La circularité de l’eau à l’échelle du bâtiment : une nouvelle trajectoire pour ELAN
- calafon
- il y a 1 jour
- 6 min de lecture
Introduction
La ressource Eau fait aujourd’hui partie des sujets majeurs de la transition écologique. Entre raréfaction, épisodes répétés de tensions hydriques, dégradation de la qualité (jusqu’à la remise en question de la potabilité), et évolutions réglementaires récentes, notamment l’arrivée du décret REUT 2024 sur la réutilisation des eaux usées traitées, les acteurs du bâtiment sont de plus en plus sollicités pour repenser leur manière de concevoir, d’exploiter et de réhabiliter les ouvrages. Chez ELAN, ces évolutions interrogent directement nos pratiques, notre rôle et notre capacité à accompagner les maîtres d’ouvrage vers des solutions plus sobres.
Si l’ensemble des typologies de bâtiments est concerné par ces enjeux, ELAN a choisi d’aborder le sujet en priorité par le résidentiel. Non pas parce que ce secteur serait le plus consommateur en absolu, mais parce qu’il constitue un premier angle d’attaque cohérent : il est fortement réglementé, il représente une large part des projets suivis par nos équipes – en particulier le pôle fluide de Strasbourg – et il offre un terrain d’expérimentation pertinent pour structurer une démarche interne. Ce choix traduit la volonté d’ELAN de faire de la gestion durable de l’eau un axe stratégique, à la croisée des enjeux de résilience, de climat et de biodiversité.
Comprendre la circularité de l’eau dans le bâtiment : réduire l’impact et repenser les flux
L’objectif premier, avant toute solution technique, est de réduire l’impact du bâtiment sur la ressource Eau. Cela signifie à la fois diminuer les consommations, limiter les rejets, et améliorer la qualité des eaux restituées. Dans cette perspective, la circularité de l’eau apparaît comme une réponse possible : elle consiste à créer des usages en cascade, à valoriser les volumes disponibles et à réduire la dépendance à l’eau potable en multipliant les cycles internes.
Pour structurer cette approche, il est essentiel de clarifier l’échelle de travail. Chez ELAN, nous considérons la circularité à l’échelle du bâtiment et de ses abords immédiats, c’est-à-dire la parcelle. Dès que l’on dépasse cette échelle, on entre dans le domaine de l’urbanisme, qui mobilise d’autres compétences et d’autres métiers.
À cette échelle, trois grandes catégories d’eau structurent les réflexions :
eaux potables,
eaux pluviales,
eaux usées (grises et noires).
Les postes de consommation les plus importants varient selon les usages, mais dans le résidentiel, ils concernent principalement l’hygiène corporelle, le lavage du linge, l’alimentation des WC ou encore les usages extérieurs. C’est en comprenant ces flux que l’on peut engager une stratégie cohérente de réduction, de sobriété et, lorsque c’est pertinent, de réutilisation.
La démarche interne menée par ELAN : analyser les besoins et capitaliser les compétences
Ce travail sur l’eau n’est pas né de manière isolée. Il s’inscrit dans une démarche portée par notre direction, qui souhaite développer une compétence Eau transversale. Pour orienter cette réflexion, une série d’entretiens internes a été menée auprès de plusieurs pôles : fluides, biodiversité, transition environnementale, conseil environnemental, management de projet…
Ces échanges ont révélé :
un intérêt clair et partagé pour intégrer l’eau plus fortement dans les projets,
un manque de compétences techniques, de retours d’expérience et de références,
un besoin de capitalisation, de veille technique et réglementaire,
et la nécessité d’un argumentaire solide pour convaincre les maîtrises d’ouvrage.
Les conclusions internes rejoignent les orientations stratégiques de la direction, qui identifie quatre axes prioritaires pour structurer une future offre Eau :
adaptation au risque,
préservation de la ressource,
accompagnement réglementaire,
mesure de l’empreinte eau.
Cette convergence confirme que la dynamique doit être collective et progressive.
Identifier les besoins : vers une méthodologie commune d’analyse des bâtiments
Les entretiens ont révélé un besoin central : ELAN ne dispose pas encore d’un outil structurant pour analyser les projets sous l’angle de l’eau.
Ce manque limite la capacité des équipes à :
estimer les consommations,
qualifier les postes prioritaires,
objectiver les réductions possibles,
proposer des solutions adaptées.
Ce besoin est renforcé par plusieurs verrous identifiés :
une réglementation complexe, notamment autour de la réutilisation,
un manque de retours d’expérience,
des hésitations des MOA, souvent par prudence ou manque de visibilité,
un manque d’arguments économiques et de données de coût global.
Dans ce contexte, la création d’un protocole commun d’analyse hydrique devient essentielle pour monter en compétence collectivement, gagner en cohérence et améliorer la qualité de nos recommandations.
Le DPEau : un outil interne pour structurer l’évaluation de la performance hydrique
Dans cette dynamique, ELAN développe un outil interne, le DPEau, conçu et prototypé par Quentin CADET, dans le cadre de son projet méthode. Cet outil constitue une première brique opérationnelle pour analyser, comparer et accompagner les projets.
1. À quoi répond le DPEau ?
Le DPEau a été pensé comme un outil simple, opérationnel et directement mobilisable par les équipes. Il permet avant tout de réaliser un état initial du bâtiment, qu’il s’agisse d’un projet de rénovation, à partir de relevés et d’hypothèses adaptées, ou d’un bâtiment neuf pour lequel les consommations doivent être estimées. À partir de ces données, l’outil calcule automatiquement la répartition des usages et estime les consommations par poste, en intégrant les spécificités du projet et les paramètres techniques définis par les équipes.
Cette première lecture permet d’identifier les leviers de réduction les plus pertinents, qu’il s’agisse d’agir sur les besoins, d’intégrer des équipements hydro-économes ou d’envisager des solutions de réutilisation lorsque le contexte le permet. Le DPEau offre ensuite la possibilité de comparer l’état initial avec un état projet, afin de visualiser clairement les gains potentiels et de vérifier leur cohérence au regard du cadre réglementaire et des choix de conception.
Enfin, l’outil génère automatiquement une synthèse lisible, structurée et exploitable aussi bien en AMO qu’en MOE, facilitant la compréhension des enjeux pour la maîtrise d’ouvrage et soutenant la prise de décision.
2. Ce que contient l’outil
Le DPEau s’articule autour de plusieurs modules complémentaires. Il comprend d’abord un onglet réglementaire qui synthétise le cadre de la réutilisation des eaux, afin de vérifier rapidement les possibilités offertes selon les usages. L’outil repose ensuite sur des hypothèses entièrement paramétrables, ajustables en fonction de la typologie du projet et des caractéristiques du bâtiment.
Sur cette base, il propose une comparaison de scénarios (état initial, état projet et référence nationale) permettant de visualiser clairement les écarts de consommation. Enfin, son architecture a été pensée pour rester évolutive, avec la possibilité d’intégrer à terme des modules supplémentaires tels que le coût global, le TRI, un catalogue de solutions ou encore les aides financières mobilisables.
3. Une première étape vers une démarche circulaire
Le DPEau représente ainsi une première étape vers une véritable démarche circulaire. En offrant une lecture structurée des consommations et des leviers d’action, il permet d’objectiver les choix et de renforcer l’argumentation technique auprès des maîtrises d’ouvrage. Cet outil pose les bases d’une montée en compétence collective sur la gestion de l’eau et ouvre la voie à une approche plus intégrée et cohérente au sein des équipes.
Vers un catalogue interne des solutions techniques : compléter l'analyse par l’action
En parallèle du DPEau, les équipes ont identifié le besoin d’un catalogue interne de solutions, permettant de passer plus facilement de l’analyse à la conception.
Ce futur référentiel intégrerait :
des équipements hydro-économes,
des solutions fondées sur la nature,
des systèmes de récupération des eaux pluviales,
des dispositifs de réutilisation des eaux usées.
Des premiers échanges et benchmarks ont été engagés avec des acteurs spécialisés tels que Ecofilae, FGWRS, Nereus, Aquality, ainsi que l’analyse du retour d’expérience du projet ABC Grenoble. L’objectif est de produire un outil clair, filtrable, évolutif, qui puisse accompagner les équipes dans leurs missions.
Ce que la circularité de l’eau signifie pour ELAN : stratégie, compétences et perspectives
Développer une compétence Eau ne consiste pas seulement à réduire les consommations d’un bâtiment. C’est aussi une manière de renforcer nos expertises existantes : fluides, biodiversité, transition environnementale, résilience, labels, gestion de projet.
À moyen terme, la circularité de l’eau peut ouvrir des perspectives plus larges, notamment :
le déploiement du DPEau sur des cas réels,
la montée en compétence des équipes,
l’enrichissement progressif des outils et catalogues,
et, à terme, le développement d’une offre Eau complète.
Cette future offre devra intégrer non seulement les consommations en exploitation, mais aussi les impacts liés à la construction, à l’exploitation, puis à la démolition. Cela ouvre la voie à des travaux sur l’ACV Eau et la mesure de l’empreinte hydrique, en cohérence avec les réflexions internes menées sur le sujet.
Conclusion : une dynamique collective pour préparer les bâtiments à un futur plus sobre en eau
La trajectoire engagée par ELAN sur la gestion de l’eau illustre une volonté claire : structurer une compétence transversale, au service de la résilience des projets et de la réduction de l’impact sur la ressource.
Le développement du DPEau, porté par Quentin CADET, constitue une première avancée concrète. Les prochains mois permettront d’enrichir les outils, de tester la démarche sur des cas réels et d’accélérer la montée en compétence des équipes.
Contact commercial :
Dominique EL HAGE